Sarah Moon expose à Nice, au théatre de la photographie et de l’image
Les photographies de Sarah Moon m’ont toujours fasciné et intrigué.
Son regard intense. Ses images, prises sur Polaroid, longtemps travaillées pendant et après la prise de vue, paraissent sans âge. Intemporelles.
Comme l’écrit Dominique Eddé : »Dans l’univers de Sarah Moon, la vie et la mort se tissent dans la même étoffe. Elles n’ont pas de frontière. A elles deux, le monde est un enfant qui a vieilli en un jour. Ce n’est pas tant du sang que du songe qui coule dans ses veines. La beauté est partout l’exutoire de la perte, sa patine« .
Peu ou pas de blanc dans ses noirs et blancs (low key). Des rayures, des tâches. Copier les outrages du temps, comme pour s’en jouer. « Ces photos sont toutes rescapées du noir. Des secondes de dernière seconde. Des apparitions » dit encore D. Eddé.
Les tirages en couleur grand format sont splendides. Le flou est omniprésent mais subtil. Conjugué au rendu doux si particulier du Polaroid, il met en valeur le geste et les tons. Les textures des vêtements, des pétales, des plumes, s’estompent. Reste la couleur, parfois unie jusqu’à l’a-plat, soyeuse, étrange, merveilleuse, rarement agressive.
Regard intense, mais naïf aussi, à chaque fois vierge, s’émerveillant d’un geste, d’un virage sur la route, d’une mouette.
Son regard intime. Les portraits exposés à Nice ont souvent le regard caché. Ils ferment les yeux, les dissimulent de leurs mains, derrière un bandeau ou une paire de lunettes. Comme si la photographe voulait préserver quelque chose en offrant ainsi le visage de l’introspection. Les visages qui s’offrent entièrement expriment une douce mélancolie. Leurs yeux paraissent encore un reflet de leur âme.
Consacrer ce premier article à une exposition de Sarah Moon peut paraître étrange. La photographe n’aborde pas l’espace comme un sujet d’étude, alors pourquoi parler d’elle ici ? Disons pour toute justification, s’il en faut une, que l’on aimerait savoir à quoi ressembleraient des images qui appréhenderaient l’espace avec la même force d’expression, la même intensité, la même qualité de langage, à la fois universel et profondément intime, qu’elle déploie pour suspendre le temps.
L’artiste expose à Nice 130 photographie, réalisées depuis 1986, lorsqu’elle a renoncé aux travaux de commande pour exercer plus librement son art.
Un superbe coffret de 5 tomes retraçant son parcours photographique, intitulé 1 2 3 4 5, a été édité chez Robert Delpire (son compagnon) en 2008. Il est visible à l’accueil du TPI.
Exposition du 5 novembre au 12 février
Théatre de la photographie et de l’image, Nice, 27 boulevard Dubouchage, entrée libre. Tlj 10h-18h sauf le lundi
Une belle interview vidéo sur le site Artpress: ici
Un long échange avec le photographe Franck Horvat sur son site: là
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