Quand Cécile Champy photographie notre rapport à l’espace

Rares sont les photographes dont le travail se consacre à l’espace en tant que tel, et tentent d’en saisir l’essence en lui donnant une place centrale dans leurs images. Cécile Champy en fait partie, et son arrivée dans le collectif l’Œil arpenteur est à ce titre apparue comme une évidence. Là où le plus souvent la photographie de paysage hiérarchise, sélectionne, met en scène des objets qui relèguent l’espace au rang de simple décor, ses images en font leur sujet principal en lui donnant une force très particulière.

© Cécile Champy, série « petit grand »

 

© Cécile Champy, série « petit grand »

Cette alchimie tient à peu de choses, et se joue de la variation du format des images et des sujets abordés. Dans la série « petit grand » c’est un jeu sur les proportions et sur les rapports d’échelles, un brouillage des repères qui transforme l’espace en un affrontement entre l’infiniment grand des éléments et l’infiniment petit de la présence humaine. Si beaucoup d’images spectaculaires ont été réalisées dans ce registre du tourisme (Gursky, Niedermayr, Bernard-Reymond, Gafsou…), contribuant à créer un genre à part entière, celles de Cécile Champy se distinguent par leur délicatesse. Elles n’ont rien de monumental, rien d’une confrontation grandiloquente, mais cherchent au contraire à témoigner de la juste place de l’être humain, « sous le ciel exactement » comme elle le dit elle même.

Dans d’autres images, comme celle ci-dessous tirée de la série « cohabitation paysagère », elle témoigne d’une capacité à photographier l’espace de manière presque abstraite, tout en lui donnant une sorte de présence très tangible. Ici l’on perçoit un terre-plein qui a été mis en forme, comme en témoignent des traces laissées sur le sol. Il est photographié comme « en suspens », juste au bon moment, avant que sa fonction ne nous soit révélée par des informations supplémentaires. Ce dépouillement nous permet d’approcher ce qu’est l’espace « en soi » : un lieu qui sert de prétexte à des projections mentales (pour la volonté, la sensation, l’imagination…).

© Cécile Champy, série « cohabitation paysagère »

© Cécile Champy, série « cohabitation paysagère »

Mais les travaux de Cécile Champy ne sont pas pour autant cantonnés aux espaces dépouillés et aux grandes étendues. Certains d’entre eux se penchent sur la présence humaine et la manière dont l’espace se trouve transformé par cette dernière (séries « lieu commun » et « zones partagées »). Elle témoigne ici d’une grande capacité à saisir l’inscription des corps dans l’espace, qu’il s’agisse de lieux prévus cet effet (les parcs urbains de la série « lieu commun »), ou de zones urbaines denses et complexes où  l’homme doit trouver sa place et s’insérer dans un parcours imposé (« zones partagées »). Sur ces images au format panoramique, les personnages en viennent presque à ressembler à des danseurs sur un scène, et la ville à une chorégraphie…

Guillaume Bonnel

 

© Cécile Champy, série « lieu commun »

 

© Cécile Champy, série « lieu commun »

 

© Cécile Champy, série « zones partagées »

© Cécile Champy, série « zones partagées »

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