Rencontre annuelle des acteurs des observatoires photographiques du paysage, le vendredi 9 Janvier 2014

« Qu’est-ce que l’OPNP ? » / Rappels

Depuis 1991, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (anciennement Ministère de l’Environnement) gère un Observatoire Photographique National du Paysage, créé dans le but de « constituer un fonds de séries photographiques qui permette d’analyser les mécanismes et les facteurs de transformations des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause de façon à orienter favorablement l’évolution du paysage »[1]. Cette initiative s’inscrit pleinement dans l’histoire moderne affiliant photographie, aménagement du territoire et développement urbain, sous la forme de la commande institutionnelle, et suit la voie tracée par la Mission Héliographique (1851),  les services de Restauration des Terrains de Montagne (de la seconde moitié du vingtième siècle à aujourd’hui) ou encore la Mission Photographique de la DATAR (1983-1989).

Administration d’abord directement gérée par le Bureau du Paysage et aujourd’hui décentralisée, l’Observatoire Photographique National du Paysage propose des collaborations tripartites entre l’Etat, un organisme local concerné  par l’aménagement du territoire (Parc Naturel Régional, CAUE, etc.) et un photographe, sous la forme d’une commande photographique :  réunis en comité de pilotage et agissant en concertation, photographes, gestionnaires et parfois experts (géographes, paysagistes, architectes, historiens de l’art, etc.) produisent un corpus d’une centaine d’images dans lequel ils déterminent un itinéraire d’une quarantaine de points de vue équilibrant connaissance quotidienne du terrain pour les acteurs locaux, savoirs théoriques et conceptuels pour les experts, expérience physique et esthétique du site et préoccupations artistiques pour le « photographe arpenteur ». Ce corpus, représentatif de la conjonction entre des problématiques identifiées et des facteurs inattendus révélés par le projet photographique, fera l’objet de reconductions[2] afin de privilégier une observation des transformations du paysage dans le temps.

Chaque itinéraire présente donc une dimension autant rétrospective que prospective, car il propose un état des lieux et produit donc une archive qui prend sens dans la durée, autant qu’il représente un moyen d’interrogation visuelle. Reposant sur la spécificité technico-artistique inhérente au médium photographique, l’Observatoire propose un outil de relevé technique tout en affirmant le point de vue du photographe auteur, sur une réalité émanant elle-même de la rencontre entre un territoire et la sensibilité d’un observateur à un moment particulier : le paysage. Equilibrant ses vertus techniques et artistiques, il nous tend un miroir pour nous montrer les résultats de nos politiques d’aménagement, nos manières d’habiter et de représenter notre environnement quotidien.

Aujourd’hui, 20 itinéraires de l’OPNP sont reconnus par le Bureau des Paysages,  mais alors qu’on observe un ralentissement de la création de ces archives prospectives » soutenues par l’administration centrale, a lieu une grande dynamique aux échelles locales : CAUE, PNR, communautés de communes, associations, etc. s’emparent de l’objet OPP, réactualisent sa méthode et l’adaptent à leurs spécificités politiques, territoriales, patrimoniales et paysagères locales ainsi qu’à des ambitions particulières. On estime à environ 80 les « OPP locaux ».

 

 

La rencontre annuelle, les objectifs du Bureau des Paysages

  • Réunir les acteurs OPNP et OPP et donc affirmer la filiation OPNP/Etat OPP locaux/administrations locales. Affirmer la « solidarité » entre ces différents objets. Action symbolique du Ministère.
  • Réaffirmer/officialiser son intérêt renouvelé pour l’OPNP et faire des annonces en ce sens : Mise en ligne sur la médiathèque TERRA des OPNP et ensuite OPP locaux ; annonce de l’étude sur les OPP PNR faite par la Fédération PNR ; bientôt les 25 ans de l’OPNP ;  annonce d’un prochain appel d’offres pour étude sur une mise en réseau des OPP/OPNP ; annonce du lancement récent de réunions d’un groupe de travail (dont nous faisons partie)…
  • Permettre, tout simplement, les rencontres entre les différents acteurs : photographes, commanditaires/institutions, observateurs et chercheurs, etc.
  • Proposer des outils méthodologiques sous la forme d’ateliers.

 

 

Le contenu de la journée 

Matinée en séance plénière :

La matinée en séance plénière se structure autour de quatre témoignages d’acteurs d’observatoires, chaque présentation étant suivie d’un temps de questions/débat : n itinéraire OPNP  et 3 itinéraires d’observatoires locaux.

Ces témoignages ont été choisis car ils mettent en avant la  dimension participative (PNR Gâtinais Français et OPP Golfe du Morbihan par exemple), les exploitations auprès des différents publics (scolaire pour Montreuil, élus pour les autres), les OPP comme outil de travail et surtout de médiation/communication avec les élus (témoignage 2), les OPP comme outil technique pour les sites protégés (témoignage 2), etc. Ils illustrent donc les usages les plus populaires et dynamiques à l’œuvre aujourd’hui et montrent qu’une certaine souplesse et créativité est possible vis-à-vis de la méthodologie publiée en 2008. Un Observatoire est bien un outil dont les potentialités dépendent tout à fait des acteurs réunis (objectifs, moyens, problématiques).

Outre la relative diversité des objectifs et usages mentionnés dans ces présentations, il est à noter qu’aucune d’entre elle n’est opérée par un photographe et ne met au cœur de ses propos la démarche proprement photographique.

Témoignage 1 : Un observatoire photographique du paysage en milieu urbain, Itinéraire n°9 de l’observatoire photographique national du paysage – Ville de Montreuil, 93, Ile de France / Pierre-Luc Vacher, chargé de mission environnement– biodiversité, Ville de Montreuil (et « reconducteur » des images, les créateurs étant Anne Favret&Patrick Manez).

Témoignage 2 : Expérimentations photographiques préalables au classement d’un site, le cas du passage du Gois en Vendée – Pays de la Loire / Elise Soufflet-Leclerc, chargée de mission sites et paysages à la DREAL Pays de la Loire, Gilles De Beaulieu, inspecteur des sites de Vendée et Thomas Thibaut, photographe (dans le cadre d’un stage à la DREAL).

Témoignage 3 : Un observatoire photographique du paysage qui place les élus au centre du dispositif, OPP local du Parc naturel régional du Gâtinais français, 91 et 77, Ile de France / Alain Renault, ancien Maire de Saint-Martin-en-Bière, élu au Conseil municipal, co-président de la commission paysage et territoire du parc naturel régional du Gâtinais français, Delphine Potier, chargée de mission paysage au parc naturel régional du Gâtinais français.

Témoignage 4 : Un observatoire photographique du paysage pour tous, la démarche participative mise en place pour le lancement d’un OPP, OPP local Golfe du Morbihan, Bretagne / David Lédan, photographe, chargé de mission biodiversité, Syndicat intercommunal d’aménagement du Golfe du Morbihan (nouveau Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan)

 

 

Après-midi ateliers :

  • Atelier 1 : Lancement d’un OPP partenariat, périmètre et objectifs.

Animateur : Elise Soufflet-Leclerc, inspectrice des sites et chargée de mission paysage à la DREAL Pays de la Loire.

 

  • Atelier 2 : Pilotage / gouvernance d’un OPP comité de pilotage.

Animateur : Aurélie Franchi, chargée de mission paysage, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

 

  • Atelier 3 : Résultats et valorisation d’un OPP. Élaboration d’un thésaurus, utilisation d’un OPP comme outil de gestion, valorisation de l’OPP au service de la sensibilisation des publics.

Animateurs : Frédérique Mocquet, doctorante en architecture, école d’architecture Paris-Malaquais, laboratoire du LIAT ; David Romieux, Inspecteur des sites et chargé de mission paysage, DREAL Alsace ; Delphine Potier, chargée de mission paysage au parc naturel régional du Gâtinais français.

 

  • Atelier 4 : Photographier le paysage dans le cadre d’un OPP. La commande photographique, photographie d’auteur, point de vue du photographe, aspects artistiques et techniques, reconduction des photos « en régie » par une collectivité.

Animateurs : Daniel Quesney, photographe et ancien directeur artistique de l’OPNP; Guillaume Bonnel, photographe (collectif France Territoire, collectif l’Œil Arpenteur, OPP de la forêt de Saoû) ; Christophe Le Toquin, photographe et enseignant, École nationale supérieure de la nature et du paysage, Blois ; Pierre-Luc Vacher, chargé de mission environnement – biodiversité, Ville de Montreuil.

 

Atelier 5 : Constitution et usages d’une plate-forme web. La mise en ligne des OPP : exemples et problématiques. les attentes vis-à-vis d’une plateforme des OPP : l’exemple des fonctionnalités de la POPP-Breizh. Surface et interopérabilité des plateformes existantes

Animateurs : Laurence Le Du – Blayo, géographe, université de Rennes, Plate-forme POPP-Breizh ; Clément Briandet, architecte-paysagiste DPLG, OPP local PNR Golfe du Morbihan ; Caroline Guittet, doctorante en géographie sociale, Université de Rennes, Plate-forme POPP-Breizh.

La journée se termine en séance plénière, durant laquelle chaque groupe (par l’intermédiaire de porte-paroles) fait la synthèse, « à chaud » des éléments discutés durant les ateliers.

 

Réflexions esquissées par l’Œil Arpenteur

A l’issue de cette journée, et ce malgré le constat que persistent des difficultés identifiées (et l’identification de nouvelles !), l’expérience s’avère encourageante et surtout stimulante, d’abord car elle manifeste l’attention renouvelée du Ministère. Aussi car des dialogues, même conflictuels, ont été créés ou réactivés. Ainsi que des envies de collaborer et de co-construire se sont confirmées : entre le photographe et le chercheur, par exemple…

Les ateliers proposés pour la première fois cette année se sont avérés être de bons outils, si ce n’est d’un travail directement applicables, du moins de débat et d’identification des faiblesses existantes. Leurs intitulés exprimaient bien les différents enjeux et diverses difficultés modelant les OPP et conditionnant leur « durabilité ». Il convient donc de noter et de questionner l’annulation de l’atelier 2, « Pilotage et gouvernance », le nombre de participants intéressés étant trop peu nombreux…

Enfin, et peut-être surtout, nous avons constaté que les acteurs des OPP n’ont pas attendu le Ministère pour faire vivre l’objet « Observatoire » par la création de leurs propres expérimentations : commanditaires, photographes, professionnels de l’aménagement, géographes, historiens, urbanistes, usagers divers, etc. prennent en mains les OPP. Serait-ce donc à nous, au-delà des ponctuels dispositifs participatifs, de mener le jeu ?

 

 

 

[1]Jean Cabanel, communication en Conseil des Ministres, 22 Novembre 1989.

 

[2]Une reconduction photographique ou re-photographie est une photographie réalisée à partir d’une prise de vue initiale, du même point d’observation, à la même échelle, avec le même cadrage.